Conférence : Dans le sillage des raies et des requins
Ce lundi 27 janvier a eu lieu une conférence intitulée dans le sillage des raies et les requins.
Elle s’entama avec la description du groupe auquel les raies et requins appartiennent : les chondrichtyens, signifiant poissons cartilagineux regroupant non seulement les requins et les raies mais aussi les chimères. Comme le nom l’indique, ces animaux possèdent un squelette constitué de cartilage tel que notre nez ou nos oreilles.
Ci dessus : requin pointe noire, raie pastenague à taches bleues et chimère éléphant
Les chondrichtyens sont apparus il y a 430 millions d’années, soit environ 200 millions d’années avant les dinosaures, cette période étant considérée comme l’âge d’or des poissons cartilagineux. Ils sont parvenus à traverser toutes les crises qui ont bien entendu réduit considérablement leur diversité (notamment celle du Permien, ayant éradiqué 90% des espèces marines). Les requins « modernes » sont apparus au mésozoïque (regroupant le trias, le jurassique et le crétacé), connu comme l’ère des dinosaures.
Même si leur diversité n’est plus à son apogée, ces super-prédateurs connaissent une variété de tailles (environ 15 m pour le requin baleine, 20 cm pour le sagre elfe), de formes (requin marteau, requin tapis, raie manta océanique et raies pastenague à taches bleues) et d’habitats (eau douce, salée, saumâtre, tempérée, tropicale, polaire). Ils peuvent être benthique, démersal, ou pélagique mais également vivre proche de la surface ou même à 2500 m.
Ci dessous un requin tapis et ci contre un poisson scie qui est une raie (branchies sur la phase ventrale)
Etre omniprésent dans les océans a été possible grâce aux différentes adaptations lui ayant permis de se glisser au sommet des chaines alimentaires. Sa peau est recouverte d’écailles placoïdes, étant en réalité de minuscules dents appelé denticules. Elles ont un rôle d’antifooling et sert à l’hydrodynamisme par la présence de petites carènes à leur surface (effet de riblet).
Quand on pense requin, on pense forcement dentition. En effet, les requins comme les raies ont des particularités au niveau de la mâchoire : celle-ci n’est pas soudée au crâne comme pour la plupart des animaux possédant des mâchoires (gnathostomiens). Cette adaptation leur permet d’ouvrir leur gueule avec une contrainte mécanique moindre, pour avaler de grandes proies. Leurs dents sont aussi variées chez les espèces que leur régime alimentaire, leur façon de se nourrir. Toutefois, elles ont un point commun : la pousse continuelle de nouvelles dents remplaçant immédiatement les dents perdues. Ainsi un requin tigre peut remplacer 24 000 dents au cours de sa vie.
Pour se nourrir, les requins vont pouvoir utiliser leurs sens afin de détecter les proies. D’abord, le requin perçoit sa proie par son ouïe. Le son se déplaçant 5 fois plus vite dans l’eau, les requins peuvent entendre à partir d’un kilomètre de distance et jusqu’à une dizaine de kilomètres pour les sons à basse fréquence (grave). Ensuite, l’odorat entre en jeu (2/3 de son cerveau étant réservé à l’olfaction), il peut suivre une trace odorante à plusieurs centaines de mètres. Il analyse les molécules odorantes grâce à ses narines, ne lui servant qu’à l’odorat. Doté d’une ligne latérale le long de son corps qui lui permet de sentir les vibrations et les différences de pression dans l’eau, il perçoit la nage frénétique des poissons blessés ou encore les bancs de poissons. Maintenant qu’il est assez près (moins de 100 m) il peut voir ses proies. Ses yeux ont la particularité de posséder un cristallin quasiment sphérique qu’il est impossible de contracter : il ne peut donc pas accommoder sa vision à la distance qu’il veut observer. Il voit donc relativement mal de loin mais bien de près (myopie). De plus, la lumière se diffusant mal en profondeur, les chondrichtyens ont une moins bonne perception des couleurs mais une très bonne perception des contrastes. Il possède également, dans le fond de l’œil, un tapetum lucidum que l’on retrouve chez les animaux nocturnes, augmentant la quantité de lumière capté.
Pour aller avec cette panoplie de sens, il possède un dernier atout : les ampoules de Lorenzini. Ces petites ampoules se trouvent autour de sa gueule. La perception de micro-impulsions électriques, qui apparaissent lors de la contraction d’un muscle, par exemple. Cet organe lui permet même de « sentir » ses proies dans le sable.
Ci contre : ampoule de Lorenzini (petits points noirs sur le museau)
Dépourvu de vessie natatoire (organe rempli de gaz, responsable de la flottabilité) comme les autres poissons, les chondrichtyens ont un foie disproportionné pouvant peser jusqu’au quart de leur poids total. Rempli d’une huile, le squalène, moins dense que l’eau, il évite ainsi à l’animal de couler. C’est également un avantage car les liquides étant incompressibles il peut alors changer de profondeurs à sa guise, beaucoup plus facilement et rapidement que ses proies. Malgré cela, le requin à une tendance naturelle à couler, ce qui ne lui permet pas de se placer face au courant de façon statique pour respirer. Il s’est alors adapté avec 2 types de respirations : la respiration passive, l’obligeant à nager constamment la gueule entre-ouverte pour laisser passer l’eau jusqu’aux branchies (afin d’en extraire l’oxygène), et la respiration active, que l’on retrouve chez les requins vivants sur le fond, qui est une contraction du pharynx pour forcer l’eau à passer jusqu’aux branchies.
Les requins ont une reproduction relativement violente. En effet, le mâle mord la femelle un peu partout pour pouvoir s’accoupler avec. Les femelles ont donc des denticules plus épaisses et plus larges pour résister à ces assauts. Les mâles ont, au niveau des nageoires pelviennes (les nageoires après les nageoires pectorales), deux ptérigopodes bien visibles étant ses organes copulateurs.
Chez les chondrichtyens, la fécondation est interne donnant ainsi plus de chance aux descendants de survivre. Au terme de cette fécondation, la mère peut pondre des œufs (oviparité) ou garder les œufs en elle jusqu’à ce qu’ils puissent éclore et continuer à se nourrir dans le ventre de la mère (ovoviviparité). Dans ce cas, les requineaux consomment des ovules non fécondés et/ou leurs frères et sœurs. C’est ce qu’on appelle le cannibalisme intra-utérin ou adelphophagie. La femelle peut également avoir des petits dans son utérus, reliés aux placentas par le cordon ombilical, comme chez les mammifères (viviparité). Plus récemment, on a découvert que chez certaines espèces, les femelles pouvaient mettre bas seules, sans la contribution d’un mâle, c’est la parthénogenèse.
En terme de reproduction, on peut prendre l’exemple du requin du Groenland qui n’atteint sa maturité sexuelle qu’à 150 ans, tout en ayant une espérance de vie de plus 400 ans. Ce qui en dit long sur la faible fécondité de certaines espèces de chondrichtyens.
Dans la culture populaire occidentale, le requin a très mauvaise presse, on le décrit comme un animal assoiffé de sang et particulièrement féroce. En revanche, certaines tribus du Pacifique le vénèrent comme un dieu et y voient la réincarnation des membres de leur famille.
Sous le mot requin se cache environ 450 espèces dont seulement 4 présentent un potentiel danger pour l’Homme : le requin tigre, le grand requin blanc, le requin océanique et le requin bouledogue. Ces espèces ne causant qu’une dizaine de décès par an. En comparaison, les chutes de noix de cocos causent la mort de 150 personnes par an. Aussi spectaculaire puissent être les attaques, le requin ne représente pas un véritable danger si on fait attention aux lieux de baignade et aux conditions météorologiques avant de se mettre à l’eau.On a alors à faire à un combat inégal : près de 100 millions de requins sont tués chaque année pour la pharmacologie, l’alimentation, les objets décoratifs et les cosmétiques. Cela représente un véritable problème : la faible fécondité des requins ne leur permet pas de pouvoir renouveler les stocks et cela bouleverse le fragile équilibre de la chaîne alimentaire, ayant un impact direct sur toutes les populations animales et végétales marines.
Pour finir la conférence, nous avons pu parler des espèces de raies et de requins vivants le long de nos côtes. Pour illustrer ceci, des œufs, préalablement ramassés sur les plages ont été présentés.
Le reste d’un animal trouvé sur la plage, a été ramené par une bénévole. Il s’agissait d’un crâne de raie (Voir photos ci-dessus).